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Les critères de maladie à corps de Lewy prodromale

Le consortium international sur la maladie à corps de Lewy vient de publier dans Neurology les premiers critères de maladie à corps de Lewy prodromale.

Le consortium international sur la maladie à corps de Lewy vient de publier dans Neurology les premiers critères de maladie à corps de Lewy prodromale [1]. Trois tableaux cliniques de début de la maladie à corps de Lewy sont abordés : le trouble cognitif léger, la confusion, et le trouble psychiatrique. Ces deux derniers modes d’entrée ont été mis en avant car ils semblent fréquents. Ainsi un tableau de confusion avant le diagnostic de la MCL a été décrit dans 43% des cas par l’aidant principal [2]. Il convient d’ailleurs de souligner qu’il est parfois difficile de différencier une fluctuation forte de la MCL et une confusion -delirium en anglais- [3]. Pour les troubles psychiatriques, deux tableaux prédominent : un trouble psychotique ou une dépression. Ainsi 15 à 50% des patients de plus de 50 ans hospitalisés pour une dépression développent une maladie à corps de Lewy d’après les collègues japonais [4, 5]. La fréquence des troubles psychotiques inaugurant une maladie à corps de Lewy n’est pas connue. Des recherches sur les troubles psychocomportementaux inaugurant la MCL sont une nécessité car la littérature reste encore sur le sujet insuffisante.

Les critères de diagnostic à proprement parler se sont centrés sur les patients avec trouble cognitif léger -TCL- (c’est-à-dire peu ou pas impactés dans leur quotidien, et en particulier sur les activités instrumentales ou pas de la vie quotidienne), qu’ils ont dénommé trouble cognitif léger corps de Lewy, ou « MCI corps de Lewy » (voir tableau). Le profil cognitif touche le plus souvent l’attention, la vitesse de traitement et les fonctions exécutives. Des troubles neurovisuels peuvent accompagner ce profil. Le TCL est le plus souvent multidomaine que ce soit amnésique ou non amnésique, non amnésique unidomaine et très rarement amnésique unidomaine [6]. Sont considérés comme ayant une maladie à corps de Lewy prodromale probable les patients avec troubles cognitifs légers et deux des critères cliniques suivants : hallucinations, fluctuations cognitives et/ou de vigilance, troubles du comportement en sommeil paradoxal et syndrome parkinsonien (akinésie ou rigidité ou tremblement). Le consortium insiste, encore plus que pour le stade de démence [7], sur le diagnostic avant tout clinique de la MCL prodromale. Car même si le consortium a inclus les 3 biomarqueurs habituels de la MCL que sont réduction de signal au DAT-scan ou équivalent, polysomnographie montrant une perte d’atonie en sommeil paradoxal, réduction de signal à la scintigraphie cardiaque au MIBG, il détaille dans le texte les limites de ces biomarqueurs. Ainsi la sensibilité du DAT-scan au stade prodromal est de 54 à 61%, malgré une très bonne spécificité. La polysomnographie, elle aussi très spécifique, a une sensibilité de moins de 75%. Plus limitée est la scintigraphie au MIBG, car Il n’existe pas d’étude solide pour celle-ci mais seulement quelques petites séries de cas.

Ainsi, il est désormais possible de poser le diagnostic de stade prodromal de MCL. Les cliniciens doivent donc absolument rechercher chez tous leurs patients avec troubles cognitifs ou comportementaux inauguraux les symptômes clefs de la MCL [8] : fluctuations (échelle de la Mayo Clinic : Somnolence ? Sieste de plus de 2 heures ? Regard fixe ? Fluctuations cognitives ?), hallucinations visuelles (sensation de passage, sensation de présence, illusions, visions ?), troubles du comportement en sommeil paradoxal (Cauchemars ? Rêves vivaces ? Vit ses rêves ?) et le syndrome extrapyramidal à l’examen physique (un des éléments parmi les 3 étant suffisant et en particulier akinésie ou rigidité à la manœuvre de Froment).

Pr. Frédéric Blanc

Pr. Frédéric Blanc

CM2R, pôle de Gériatrie, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg
Laboratoire ICube, Université de Strasbourg et CNRS

Références

  1. McKeith IG, Ferman TJ, Thomas AJ, Blanc F, Boeve BF, Fujishiro H, Kantarci K, Muscio C, O’Brien JT, Postuma RB et al: Research criteria for the diagnosis of prodromal dementia with Lewy bodies. Neurology 2020, 94(17):743-755.
  2. Rognve A, Auning E, Fladby T, Ballard C, Aarsland D: The pre-dementia stage of dementia with Lewy bodies. Alzheimer’s & Dementia: The Journal of the Alzheimer’s Association 2011, 7(4):S749-S750.
  3. Gore RL, Vardy ERLC, O’Brien JT: Delirium and dementia with Lewy bodies: distinct diagnoses or part of the same spectrum? Journal of Neurology, Neurosurgery & Psychiatry 2015, 86(1):50-59.
  4. Takahashi S, Mizukami K, Arai T, Ogawa R, Kikuchi N, Hattori S, Darby D, Asada T: Ventilatory Response to Hypercapnia Predicts Dementia with Lewy Bodies in Late-Onset Major Depressive Disorder. Journal of Alzheimer’s Disease 2016, 50(3):751-758.
  5. Takahashi S, Mizukami K, Yasuno F, Asada T: Depression associated with dementia with Lewy bodies (DLB) and the effect of somatotherapy. Psychogeriatrics : the official journal of the Japanese Psychogeriatric Society 2009, 9(2):56-61.
  6. Kemp J, Philippi N, Phillipps C, Botzung A, Blanc F: Cognitive profile in prodromal disease (dementia) with Lewy bodies. Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2017, 15(4):434-442.
  7. McKeith IG, Boeve BF, Dickson DW, Halliday G, Taylor JP, Weintraub D, Aarsland D, Galvin J, Attems J, Ballard CG et al: Diagnosis and management of dementia with Lewy bodies: Fourth consensus report of the DLB Consortium. Neurology 2017, 89(1):88-100.
  8. Blanc F, Verny M: Prodromal stage of disease (dementia) with Lewy bodies, how to diagnose in practice? Geriatr Psychol Neuropsychiatr Vieil 2017, 15(2):196-204.

Crédits Photos :
– Photo illustrant l’article par Kateryna_Kon pour Adobe Stock
– Photo du Pr. Frédéric Blanc par lui-même